Le droit à l’indemnisation du manque à gagner n’est ouvert qu’à un seul des candidats évincés

Le droit à l’indemnisation du manque à gagner n’est ouvert qu’à un seul des candidats évincés

Par un arrêt du 28 novembre 2023 (CE, 7ème – 2ème chambres réunies, 28 novembre 2023, n°468867), le Conseil d’Etat a estimé que le droit à l’indemnisation du manque à gagner n’est ouvert qu’à un seul des candidats évincés.

Le contexte est le suivant : la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a attribué le lot n°7 d’une sous-concession de plage à la société MGPL.

La société La Royale Plage, candidate évincée, saisit le Tribunal administratif de Toulon d’un recours en contestation de la validité du contrat, assorti de conclusions indemnitaires. Le Tribunal rejette sa requête.

Après avoir confirmé l’irrecevabilité des conclusions en annulation, la Cour administrative d’appel de Marseille condamne la commune à indemniser la société La Royale Plage de son manque à gagner et de son préjudice moral à hauteur de 80.039 euros.

La commune de Saint-Cyr-sur-Mer se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’Etat rappelle que, lorsqu’il est saisi par un candidat d’une demande tendant à la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure de passation, il appartient au juge de vérifier si celui-ci était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.

Au terme de cette analyse :

  • soit le candidat était dépourvu de toute chance de remporter le contrat, auquel cas il n’a droit à aucune indemnité;
  • soit il n’était pas dépourvu de toute chance d’emporter le contrat. Il a alors droit au remboursement des frais engagés pour la présentation de son offre;
  • soit il disposait de chances sérieuses de remporter le contrat étaient sérieuses. Le cas échéant, il a droit à l’indemnisation de son manque à gagner, qui inclut les frais de présentation de son offre.

Cette affaire donne l’occasion au Conseil d’Etat de préciser comment établir le caractère sérieux de la chance perdue de remporter le contrat.

La Haute Juridiction estime que la cour administrative d’appel de Marseille ne pouvait se fonder sur la seule circonstance que l’offre finale de la requérante n’aurait pas eu une valeur inférieure à celles des trois autres candidats admis à négocier pour considérer que celle-ci disposait d’une chance sérieuse de remporter le contrat.

Elle devait apprécier « si, en l’absence de faute de la commune, la société La Royale Plage aurait eu des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats ».

Le rapporteur public, Nicolas Labrune, précise dans ses conclusions « […] qu’il ne peut jamais y avoir qu’un seul candidat évincé privé d’une chance sérieuse de remporter le contrat. »

Le droit à l’indemnisation du manque à gagner ne peut alors bénéficier qu’à ce candidat, à l’exclusion de tout autre.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt en tant qu’il a condamné la commune de Saint-Cyr-sur-Mer à verser la somme de 80.039 euros à la société La Royale Plage et renvoie l’affaire à la Cour administrative d’appel de Marseille.

Droit du fonctionnaire faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne d’obtenir communication du dossier

Droit du fonctionnaire faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne d’obtenir communication du dossier

En vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier. Lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public ou porte sur des faits qui, s’ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d’un tel agent, l’intéressé doit, en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d’obtenir communication du rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné (CE, 5 février 2020, M. , n° 433130).

S’agissant de la décision mettant fin aux fonctions d’un sous-préfet prise, notamment, au vu d’un rapport du conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE) d’avril 2021 faisant état d’un comportement et d’un management inadaptés et recommandant qu’il quitte son poste à brève échéance, le Conseil d’Etat estime, d’une part, que la décision de mettre fin aux fonctions de l’intéressé ayant été prise, à la suite de ce rapport, en considération de son comportement, elle devait être précédée de la formalité instituée par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et, d’autre part, que l’intéressé n’est pas fondé à soutenir qu’il n’a pas été mis à même d’obtenir communication de l’intégralité de son dossier en méconnaissance de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et que la mesure mettant fin à ses fonctions a été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors qu’il a été informé, lors d’un entretien avec le préfet, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, qu’il allait être proposé au Président de la République de mettre fin à ses fonctions de sous-préfet et qu’il avait la possibilité de consulter son dossier et de formuler des observations, ce qu’il a fait. Le Conseil d’Etat précise que la circonstance que le dossier consulté ne comprenait pas les cinquante-huit procès-verbaux des auditions d’agents et personnalités réalisées dans le cadre de la mission d’évaluation menée par le CSATE, n’entache pas d’irrégularité la procédure dès lors que l’intéressé, qui avait connaissance de cette liste qui figurait en annexe du rapport qui lui avait été communiqué et qui était au dossier consulté, n’a pas demandé la communication de ces pièces, comme il lui était loisible de le faire (CE, 10 mars 1982, n° 24010). – CE, 21 octobre 2022, n°456254.

Absence d’impartialité de l’auteur d’un rapport préalable à la procédure disciplinaire

Absence d’impartialité de l’auteur d’un rapport préalable à la procédure disciplinaire

Le moyen tiré de ce que la méconnaissance du principe d’impartialité par l’un des auteurs du rapport de l’inspection générale, lequel ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire, affecterait la régularité de cette procédure et entacherait d’illégalité le décret par lequel le Président de la République a prononcé à l’encontre du fonctionnaire la sanction de la mise à la retraite d’office est inopérant – CE, 18 novembre 2022, n°457565.

Instauration de la médiation préalable obligatoire devant les juridictions administratives.

Instauration de la médiation préalable obligatoire devant les juridictions administratives.

Devant les juridictions administratives, la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 instaure, à peine d’irrecevabilité, l’obligation de procéder à une tentative préalable de médiation, pour « Les recours formés contre les décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques […] » (art. L. 213-11 du CJA).

Le coût de cette médiation sera supporté intégralement par l’administration.

La liste des recours concernés sera déterminée par décret en Conseil d’Etat.

Précisions sur le moment auquel doit intervenir la communication de l’avis du conseil de discipline au fonctionnaire poursuivi disciplinairement.

Précisions sur le moment auquel doit intervenir la communication de l’avis du conseil de discipline au fonctionnaire poursuivi disciplinairement.

S’il incombe, en vertu des articles 11 et 12 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989, à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire de communiquer au fonctionnaire hospitalier poursuivi l’avis émis par le conseil de discipline et de l’informer, s’il fait l’objet d’une sanction plus lourde que la sanction proposée par cet avis, de la possibilité de former, auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière, le recours prévu par l’article 84 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, ces dispositions n’imposent pas que la communication à l’agent de l’avis du conseil de discipline intervienne, à peine d’illégalité de la décision de sanction, avant que cette décision ne soit prise.

Ainsi, le défaut de communication à l’agent de l’avis du conseil de discipline préalablement à l’intervention de la décision lui infligeant une sanction n’était pas de nature à entacher d’illégalité de cette décision (CE, 15 octobre 2021, n°444511).