Un fonctionnaire peut-il obtenir l’annulation d’une sanction disciplinaire lorsque l’avis du conseil de discipline n’est pas motivé?

Un fonctionnaire peut-il obtenir l’annulation d’une sanction disciplinaire lorsque l’avis du conseil de discipline n’est pas motivé?

OUI.

Aux termes de l’article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : […] ; 2° Infligent une sanction […]. « .

Aux termes de l’article L. 211-5 du même code :  » La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. « .

Et, aux termes de l’article L. 532-5 du Code général de la fonction publique :  » Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe de l’échelle des sanctions de l’article L. 533-1 ne peut être prononcée à l’encontre d’un fonctionnaire sans consultation préalable de l’organisme siégeant en conseil de discipline au sein duquel le personnel est représenté. / L’avis de cet organisme et la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés « .

Par un arrêt « Mme. A. c/ ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt« , en date du 12 février 2021 (CE, 12 février 2021, n° 435352), le Conseil d’État a précisé d’une part, que l’exigence de motivation de l’avis du conseil de discipline constitue une garantie et, d’autre part, que cette motivation peut être attestée devant le juge par la production, sinon de l’avis motivé lui-même, du moins du procès-verbal de la réunion comportant des mentions suffisantes.

Concrètement, dans quelles hypothèses ces mentions sont-elles considérées comme suffisantes, comme comportant les considérations de droit et de fait qui fondent la décision ou, au contraire, insuffisantes ?

Est, par exemple, insuffisamment motivé, l’avis qui s’est borné à proposer la révocation de l’agent et à rappeler le résultat du vote sur cette proposition, sans aucune présentation, même synthétique, des motifs de fait ou de droit retenus par le conseil de discipline, alors que le procès-verbal de cette réunion du conseil de discipline ne rend compte que des propos tenus par les différents participants à la réunion du conseil de discipline avant son délibéré, sans énoncer, même indirectement, les griefs sur lesquels le conseil de discipline s’est appuyé pour adopter son avis (CE, 22 juillet 2022, n°443802 – à rapprocher de : TA de Marseille, 1 février 2024, n°2106706).

De même, le procès-verbal de séance qui n’aborde nullement les faits reprochés à l’intéressé ni les faits regardés comme établis par le conseil de discipline et comme étant de nature à justifier la sanction proposée à l’autorité disciplinaire ne peut pallier l’absence de motivation de l’avis du conseil de discipline (TA de Strasbourg, 30 septembre 2024, n°2308237).

Même solution lorsque procès-verbal de séance, comme l’avis, ne cite aucun texte légal ou réglementaire (CAA de Versailles, 7 mai 2024, n°22VE00247).

Inversement, est suffisamment motivé l’avis qui rappelle les faits reprochés à l’agent, mentionne que ces faits sont contraires à certaines obligations qui incombent aux agents publics et portent atteinte notamment à la réputation du service et précise la sanction proposée (TA de Clermont-Ferrand, 30 juin 2022, n°2000430).

Le droit à l’indemnisation du manque à gagner n’est ouvert qu’à un seul des candidats évincés

Le droit à l’indemnisation du manque à gagner n’est ouvert qu’à un seul des candidats évincés

Par un arrêt du 28 novembre 2023 (CE, 7ème – 2ème chambres réunies, 28 novembre 2023, n°468867), le Conseil d’Etat a estimé que le droit à l’indemnisation du manque à gagner n’est ouvert qu’à un seul des candidats évincés.

Le contexte est le suivant : la commune de Saint-Cyr-sur-Mer a attribué le lot n°7 d’une sous-concession de plage à la société MGPL.

La société La Royale Plage, candidate évincée, saisit le Tribunal administratif de Toulon d’un recours en contestation de la validité du contrat, assorti de conclusions indemnitaires. Le Tribunal rejette sa requête.

Après avoir confirmé l’irrecevabilité des conclusions en annulation, la Cour administrative d’appel de Marseille condamne la commune à indemniser la société La Royale Plage de son manque à gagner et de son préjudice moral à hauteur de 80.039 euros.

La commune de Saint-Cyr-sur-Mer se pourvoit en cassation.

Le Conseil d’Etat rappelle que, lorsqu’il est saisi par un candidat d’une demande tendant à la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de la procédure de passation, il appartient au juge de vérifier si celui-ci était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat.

Au terme de cette analyse :

  • soit le candidat était dépourvu de toute chance de remporter le contrat, auquel cas il n’a droit à aucune indemnité;
  • soit il n’était pas dépourvu de toute chance d’emporter le contrat. Il a alors droit au remboursement des frais engagés pour la présentation de son offre;
  • soit il disposait de chances sérieuses de remporter le contrat étaient sérieuses. Le cas échéant, il a droit à l’indemnisation de son manque à gagner, qui inclut les frais de présentation de son offre.

Cette affaire donne l’occasion au Conseil d’Etat de préciser comment établir le caractère sérieux de la chance perdue de remporter le contrat.

La Haute Juridiction estime que la cour administrative d’appel de Marseille ne pouvait se fonder sur la seule circonstance que l’offre finale de la requérante n’aurait pas eu une valeur inférieure à celles des trois autres candidats admis à négocier pour considérer que celle-ci disposait d’une chance sérieuse de remporter le contrat.

Elle devait apprécier « si, en l’absence de faute de la commune, la société La Royale Plage aurait eu des chances sérieuses d’emporter le contrat au contraire de tous les autres candidats ».

Le rapporteur public, Nicolas Labrune, précise dans ses conclusions « […] qu’il ne peut jamais y avoir qu’un seul candidat évincé privé d’une chance sérieuse de remporter le contrat. »

Le droit à l’indemnisation du manque à gagner ne peut alors bénéficier qu’à ce candidat, à l’exclusion de tout autre.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt en tant qu’il a condamné la commune de Saint-Cyr-sur-Mer à verser la somme de 80.039 euros à la société La Royale Plage et renvoie l’affaire à la Cour administrative d’appel de Marseille.

Un fonctionnaire peut-il obtenir l’annulation d’une sanction disciplinaire lorsque l’avis du conseil de discipline n’est pas motivé?

Droit du fonctionnaire faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne d’obtenir communication du dossier

En vertu de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier. Lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public ou porte sur des faits qui, s’ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d’un tel agent, l’intéressé doit, en application de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d’obtenir communication du rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l’agent faisant l’objet de l’enquête, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné (CE, 5 février 2020, M. , n° 433130).

S’agissant de la décision mettant fin aux fonctions d’un sous-préfet prise, notamment, au vu d’un rapport du conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE) d’avril 2021 faisant état d’un comportement et d’un management inadaptés et recommandant qu’il quitte son poste à brève échéance, le Conseil d’Etat estime, d’une part, que la décision de mettre fin aux fonctions de l’intéressé ayant été prise, à la suite de ce rapport, en considération de son comportement, elle devait être précédée de la formalité instituée par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et, d’autre part, que l’intéressé n’est pas fondé à soutenir qu’il n’a pas été mis à même d’obtenir communication de l’intégralité de son dossier en méconnaissance de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et que la mesure mettant fin à ses fonctions a été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors qu’il a été informé, lors d’un entretien avec le préfet, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale, qu’il allait être proposé au Président de la République de mettre fin à ses fonctions de sous-préfet et qu’il avait la possibilité de consulter son dossier et de formuler des observations, ce qu’il a fait. Le Conseil d’Etat précise que la circonstance que le dossier consulté ne comprenait pas les cinquante-huit procès-verbaux des auditions d’agents et personnalités réalisées dans le cadre de la mission d’évaluation menée par le CSATE, n’entache pas d’irrégularité la procédure dès lors que l’intéressé, qui avait connaissance de cette liste qui figurait en annexe du rapport qui lui avait été communiqué et qui était au dossier consulté, n’a pas demandé la communication de ces pièces, comme il lui était loisible de le faire (CE, 10 mars 1982, n° 24010). – CE, 21 octobre 2022, n°456254.

Absence d’impartialité de l’auteur d’un rapport préalable à la procédure disciplinaire

Absence d’impartialité de l’auteur d’un rapport préalable à la procédure disciplinaire

Le moyen tiré de ce que la méconnaissance du principe d’impartialité par l’un des auteurs du rapport de l’inspection générale, lequel ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire, affecterait la régularité de cette procédure et entacherait d’illégalité le décret par lequel le Président de la République a prononcé à l’encontre du fonctionnaire la sanction de la mise à la retraite d’office est inopérant – CE, 18 novembre 2022, n°457565.

Instauration de la médiation préalable obligatoire devant les juridictions administratives.

Instauration de la médiation préalable obligatoire devant les juridictions administratives.

Devant les juridictions administratives, la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 instaure, à peine d’irrecevabilité, l’obligation de procéder à une tentative préalable de médiation, pour « Les recours formés contre les décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques […] » (art. L. 213-11 du CJA).

Le coût de cette médiation sera supporté intégralement par l’administration.

La liste des recours concernés sera déterminée par décret en Conseil d’Etat.